Description du projet a été publié pour la première fois en 1979 dans la revue Mezura, qui connaissait à l’époque, en véritable samizdat, une circulation plus que confidentielle. La présente réédition, agrémentée d’un éclairant avant-propos de Jean-Jacques Poucel, permet de réapprécier ce texte où Roubaud livre tout un pan de sa poétique à travers une réflexion sur son œuvre.

Il s’agit d’un livre complexe, construit – comme il arrive souvent chez Roubaud – sur une pratique acharnée de la bifurcation, de la parenthèse, de l’arborescence, de l’incise, relevant donc d’une structure dont il est impossible de rendre exhaustivement compte ici. À la fois fiction théorique, fable autobiographique, traité, roman, « tentative d’élucidation » et mode d’emploi, Roubaud présente cette Description aussi bien comme un « bilan » (sur un axe historico-rétrospectif) que comme un « programme de travail » (axe prospectif et projectif). Ou alors on peut dire, toujours avec Roubaud, qu’il s’agit d’un « traité de poétique », à savoir d’un « projet de poésie », qui trouve sa source dans une « intention de poésie » (intention unifiante s’il en est, qui essaie de donner une cohérence à cette dispersion d’ensemble découlant du nombre copieux des domaines, des genres et des formes touchés) et se nourrit par un « travail de poésie » bien concret (dont témoigne l’œuvre de Roubaud tout entière).

Au centre du projet demeure un souci majeur de la forme, voire l’élaboration d’une poétique formelle qui se structure à travers une mathématisation du langage, le recours à la théorie des catégories, la définition d’une théorie du rythme et une mise en mémoire de la langue – plaidant la cause de la survie et la conservation de la langue même – qui est, pour Roubaud, mémoire de poésie. L’articulation de ces composantes – peut-être impossible, peut-être potentielle – traverse tout le livre, entre bilan et prédictions, abandons et rétractations, destruction et reprise, arrêts et nouveaux départs, ayant toujours pour cible une défense de la Poésie et le maintien de ses formes instituées.