Georges Mishuga : Le Caractère des caractères / Un Caractère en couples

 
par Jean-Jacques Bretou

Dans une première approche, ces deux livres nous apparaissent comme deux merveilleux objets. En les feuilletant on découvre un formidable travail de typographie. Comme on le sait celle-ci est l’art de dessiner et d’utiliser les caractères d’imprimerie.

Dans Le Caractère des caractères, Georges Mishuga nous offre à voir 29 polices, chacune ayant leurs signes distinctifs, leur apparence, leur caractère. On sait que ces dernières se déclinent en fontes en fonction du corps, de la graisse et du style. Ces fontes nous sont présentées sous forme d’empilement offrant à notre regard, l’œil de chaque caractère ayant laissé son empreinte d’encre, un dessin, une ombre noire quelque peu énigmatique. Comme il n’y a qu’une combinaison par feuille la marque apparaît fantomatique de l’autre côté de la page. En alternance, l’impression d’un empilement de caractères délinéés constitue un maillage à travers lequel passe le soleil.

On retrouve ces présentations dans Un Caractère en couples, sur des pages roses situées au centre du livre. Pour le reste, ce dernier nous présente, des couples de caractères constitués d’un mélange de majuscules, petites majuscules, bas-de-casse, l’ITC New Baskerville Roman, chère à Conan Doyle et à Umberto Eco. Au-delà de cette belle apparence, et par association d’idée, il semble néanmoins, sans trahir les auteurs, que l’on puisse parler de grammatologie, d’une volonté de redonner sa place à l’écriture. Contre Rousseau et avec Derrida accepter que l’oral ne tient pas par lui-même, qu’il est « originairement » « troué » par l’écriture : « le langage est d’abord, en un sens qui se dévoilera progressivement, écriture ». La parole a masqué l’écriture et l’écriture n’a jamais cessé d’exister. Chacun de ces caractères offerts à notre regard est la racine d’un mot, d’une phrase, d’un paragraphe, etc., et pour prolonger la réflexion : « La racine saisie comme profondeur du verbe est, tout comme la faille fille des lézardes, un passe-murailles. » Cette citation est empruntée à la préface du premier livre qui comporte aussi une postfarce, (les fautes ou ce qu’on pourrait supposer telles sont volontaires). Leur lecture donne un peu de l’état d’esprit dans lequel ont été composés ces deux livres. « Celui qui excellera dans la science de l’écriture brillera comme le soleil » disait le scribe égyptien.




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Le Caractère des caractères
Éric Pesty Éditeur
256 p., 18,00 €
Un Caractère en couples
Éric Pesty Éditeur
568 p., 29,00 €
couverture
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