Éric Sadin : Softlove, roman

 
par Chandramukhi

Avant de commencer, oui la culture pop et la connaissance des usages des technologies, de leur émergence à leur détournement peuvent servir de base foisonnante de réflexions et l’auteur en est un relais précieux. Oui, on pensera au récent Her (2013) de Spike Jonze – habiter dans la voix plus vraie que nature d’une entité qui vous accompagne, vous suit et vous connaît mieux que personne et vous pardonne tout – ; à Blade Runner (1982) de Ridley Scott, pas le livre de K. Dick (décevant) – où Rachel découvre ses faux-souvenirs partagés, mais où ce Deckard est sans doute lui aussi synthétique – ; à Ghost in the Shell, l’ensemble des aventures du Major Motoko Kusanagi dans un monde où l’on pirate les ghost, implante de faux-souvenirs, mène la lutte contre le terrorisme dans des corps d’emprunts et des labyrinthes d’expériences simulées, jouissives ou mélancoliques. L’air du temps vieillit vite et déjà les technos tactiles sont finies, bientôt arrive le sans-contact, telle l’interface de « Minority Report ». Et après l’interface terminera son intégration en nous-mêmes, devenue imperceptible, les designers seront au chômage. Les sensors, les humeurs, les capteurs de toute sorte, tous nos effets personnels calibrés, de l’image thermique aux fréquences trop aigues de la voix, tout deviendra effet discret. Alors de tout cela restera les questions métaphysiques et existentielles, mais passionnantes quand elles sont bien mises en scène. Purgeons le système et faisons un reboot et lisons ce livre. Le style mécanique et factuel doit rappeler la machine, mais la machine sait déjà imiter mieux que n’importe qui le genre humain et en faisant, elle, des phrases non nominales et en conjuguant bien les verbes. Alors pourquoi lire ce cauchemar ou ce fantasme ? Parce que nommer scènes après scènes ce que c’est d’être l’objet de toutes les attentions d’un système de surveillance peut nous faire ressentir comment bougent ou s’effondrent certaines certitudes, certaines croyances en des attachements durables. Donc lisez ce roman, mais aussi les essais d’Éric Sadin.




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Galaade Éditions
128 p., 14,00 €
couverture