par Isabelle Baladine Howald
Bousillés dans la zone : ce goût des petites choses
Au pays du matin calme s’égrènent des poèmes au bord de l’abstraction. Dans une langue précise et recherchée, Armelle Leclercq évoque cette géométrie spatiale si particulière, cette nature verte et humide des bords de l’eau, cette maison en construction, des objets si sobres, noirs et rouges… Dans les mots d’Armelle Leclercq, l’image prédomine, celle qu’elle livre par sa précision. La vie passe, les êtres (« Anthracites cheveux ébouriffés, / jaillies sur son front flammes noires, / il a l’exacte allure d’un manga »), la tradition. « Faire la planche / ou se régler très exactement sur les pulsations du lieu », tout respire lentement.
Et puis l’accident de Fukushima a lieu, le monde se renverse, « il pleuneige ». Vivre devient plus important que tout mais seul le poème peut en témoigner. Les besquerels font trembler les appareils, « ça se dissémine dans l’océan », le monde est si solide. « Un dernier souffle – la politesse – déplace la foudre : je vous en prie ». Au pays du matin calme, le poème alors perd de sa lenteur « Césium 134,137 / Strontium, tac, tac, tac, Plutonium 238, 239, 240 / Combien nous battez-vous de coups par minutes, / petits métronomes ? » Le monde est si fragile.