par Daniel Lequette
Ce beau livre d’artiste, à l’origine d’une exposition à la galerie Anne Barrault, est en fait une conversation « multimédium » menée quasi quotidiennement par correspondance pendant deux mois au gré des humeurs, des réactions, des souvenirs entre l’artiste, musicien, plasticien, photographe, vidéaste, et son ami, graphiste, collectionneur et critique d’art. Il imbrique dans un même mouvement les réflexions partagées, les commentaires, les récits et les œuvres. Cet imbroglio apparent est peut-être la meilleure façon de rendre palpable ce que l’auteur entend par « l’usage du temps » en référence à Nicolas Bouvier, c’est-à-dire l’art « de conjuguer toutes les temporalités dans un présent perpétuel ». Ramuntcho Matta fait partie de ces artistes qui pensent ailleurs (artistes de la déterritorialisation, aurait dit Deleuze), qui préfèrent le ET au OU. Il s’offre au lecteur un plaisir de surprise dans ces pages placées sous le signe de Chris Marker, Franquin, Crumb, Deschamps, Satie et bien d’autres, car Ramuntcho Matta n’est pas avare d’admiration : on passe de photos dominées par le flou et la nostalgie à des œuvres graphiques acérées où des silhouettes sont poursuivies par des couleurs qui peinent à les remplir, des Rorschach allègres, des collages visuels ou verbaux oulipiens.
350 reproductions couleur
Manuella éditions
176 p., 25,00 €