par Jean-Pascal Dubost
L’épaisseur de l’ouvrage figure parfaitement la densité de la poésie de Philippe Beck. La multiplicité des approches démontre la richesse d’une œuvre qui ne finira pas de dérouter au sens d’indiquer moult pistes de lectures, mais, quoique difficilement saisissable, la poésie de Philippe Beck est pourtant puissamment ancrée dans la langue et son inventivité malléable. Elle déroute dans son dé-signifiant, réoriente néanmoins au rythme d’une scansion personnellement impersonnelle. Universitaires, critiques, éditeurs, philosophes, musiciens, poètes, traducteurs, se succèdent pour proposer des entrées dans la dense densité beckienne. Des mystères musicaux, sont les poèmes de Philippe Beck, rien qui pèse ou qui pose, de la musicalité avant toute chose, « Où l’Indécis au Précis se joint », pour reprendre quelques morceaux de l’« Art poétique » de Verlaine qui ne sont pas sans me rappeler la poésie de Philippe Beck ; « chant », « lyre », « opéradique », voilà mots qui ouvrent sur l’esprit de musicalité (car poésie n’est pas musique, petite nuance avec l’impair verlainien). Il est maintes fois démontré, dans les interventions du colloque, le lien très fort que Philippe Beck noue avec le musical, le musical chanté, mais l’autre lien tout aussi fort entre le savant et le populaire. La lyre est dure parce que la tension entre ces deux apparents opposés, savant / populaire, est loin d’être concevable par tous dans leur possible rapprochement. Le savant chez Philippe Beck, philosophe érudit, penche la pensée vers le populaire, vers le populaire dont proviennent mythes et légendes et contes auxquels il est attentif. Lyre dure parce que la tension entre le personnel et l’impersonnel, à volonté impersonnelle dans la création de l’impersonnage, cette tension n’est pas sans difficulté (de nombreuses allusions à la vie privée sont recouvertes du voile de pudeur impersonnelle), « clown blanc de l’auguste lyrisme ? », demande Dominique Barbéris.