Gérard Berréby / Raoul Vaneigem : Rien n’est fini tout commence

 
par Pascale Petit

Un entretien vraiment passionnant de près de 400 pages entre Gérard Berréby et Raoul Vaneigem, l’auteur du Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations. Celui-ci, se refusant à toute nostalgie, entend juste livrer une vision claire de ce que fut ce vaste mouvement (de libération) de l’Internationale situationniste dont il a connu toute l’existence, de sa naissance en 1957 à sa fin en 1972 – le déclin s’étant amorcé bien avant. Le début de l’entretien nous fait découvrir le parcours de Raoul Vaneigem, son enfance à Lessines, ses études, sa formation jusqu’à sa rencontre avec Guy Debord. En ce temps-là, les soirées et les débats étaient arrosés d’alcool – mais inventifs selon Raoul Vaneigem. On découvre ainsi l’état d’esprit initial – festif – qui animait les nombreux acteurs de ce mouvement. Ceux-ci ne sont pas forcément aussi connus que celui qui fit l’année dernière, la couv. de Télérama et dont la BNF a fait en même temps, un trésor de guerre. Car voici vingt ans qu’est mort Guy Debord laissant un peu dans l’ombre ceux qui étaient comme la source profonde de l’I-S : la compagne de Guy Debord, Michèle Bernstein (rare femme à bord de l’I-S), Asger Jorn, Henri Viénet, Henri Lefebvre, Attila Kotányi, Mustapha-Khayati, etc. L’entretien permet d’apprécier soi-même combien la société était en fait « grosse » des idées produites et diffusées par l’I-S et comme d’une certaine façon, elle en a accouché en mai 68. Mais on s’interroge cependant sur le réel pouvoir fécondant de l’I-S. Après le paroxysme de mai 68, c’est la gueule de bois. Ceux qui ne se prenaient pas pour une moitié d’orange (pour détourner à peine Michèle Bernstein) deviennent pires que ceux qu’ils voulaient pourfendre. Après la solidarité idyllique, c’est le régime de l’exclusion au sein même du mouvement. Raoul Vaneigem parle de la maladie obsidionale qui a frappé les « occupants » de l’I-S. Le mouvement se dissout, Debord fait de l’I-S son œuvre et se suicide en 93. Aujourd’hui, Vaneigem est là et pose sur notre monde un regard – qui ne veut pas être désespéré. Tout cela tourne ou a tourné plus ou moins rond, plus ou moins mal. D’un côté, Vaneigem et ce : Rien n’est fini tout commence. De l’autre, Debord et son In girum imus nocte et consumimur igni.




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Allia
398 p., 25,00 €
couverture