par Alain Cressan
Ce fort volume bilingue, édité avec soin1, regroupe l’œuvre poétique complète du réalisateur et photographe iranien2, dont cette facette est moins connue. Ces poèmes brefs, rappelant le haïku – la plupart sont composés de trois ou quatre vers, rarement plus –, se lisent comme des instantanés photographiques, un journal poétique (« j’ai écrit / trois poèmes / j’ai lu / trente pages / j’ai offensé / un ami / le trois du mois ») : notes hâtives, qui jouent sur la variation, dans une construction qui reprend une syntaxe3, une thématique suivie, parfois avec beaucoup d’humour (« l’enfant a demandé : / est-ce que le hérisson aussi / son dos le gratte ? »), soutenu par un ton neutre, objectif. L’objet invite à piocher, au gré du feuilletage, mais une lecture continue apportera la perception d’un travail sur la suite, la série. Des poèmes minimalistes, esquissés, dépouillés, qui interrogent leur vacuité (« je fais une montagne / d’un rien / ascension jusqu’au sommet de la vacuité »), leur rapport à la mémoire (« mon grenier / est plein d’objets inutiles / que j’aime »), figeant l’instant dans une chambre obscure, par éclairs discontinus : « le ciel se morcelle / dans le miroir en morceaux ».
1. Ainsi, l’utilisation du calque pour séparer les recueils, avec de très beaux collages de Mehdi Moutashar.
2. Il reprend notamment, dans une autre traduction, Avec le vent, publié en 2002 par P.O.L.
3. Ainsi, p. 512-520, une série de poèmes qui commencent par : « plus je réfléchis / moins je comprends / pourquoi […] ».