Par Christophe Mescolini
Un « livre qui se donne en cadeau, et qui renferme des pièces de vers et des fragments de prose, entremêlés de gravure », selon le Littré, le keepsake était la forme adéquate pour un hommage à John Keats, l’apparition de tels albums coïncidant, more or less, avec la disparition du poète. Douze prélèvements en prose dans cette vie brève, depuis l’enfance orpheline jusqu’à l’épitaphe liquide du cimetière acattolico de Rome1, entremêlés d’extraits épistolaires et poétiques2, à quoi s’ajoutent un précieux abécédaire (Dew, Mist, Tiptoe, &c – mots-clés de l’idiolecte keatsien), de courts companions ou guides de lecture (pour Endymion, Hyperion, Lamia), et puis des manuscrits, des cartes, un catalogue de la bibliothèque de K., une bibliographie sélective3... Lucien d’Azay coule une érudition amoureuse mais lucide dans la prose de son keepsake, inscrivant un poète cockney dans le paysage littéraire de son temps, le faisceau des relations sociales qu’il y a significativement tissées4, esquissant par portraits successifs une image en mouvement de l’auteur, contre les mythographies dont Keats fut l’objet, de son vivant même. Un objet-livre exquis, ouvert et circulatoire, dont on peut faire présent.
Les Belles Lettres
224 p., 23,50 €
1. Here lies one whose name was writ in water. Lucien d’Azay traduit : « Ici repose un homme dont le nom était écrit en lettres d’eau. »
2. Certains traduits pour la première fois, comme To G.A.W.
3. On y ajoutera l’Ode au rossignol, traduit et interprété par François Turner, Le Lavoir Saint-Martin, 2013.
4. Voir à ce sujet l’étonnant « panorama synoptique », en fin de volume.