Jean-Luc Lavrille : Remarmor

 
Par Jean-Pierre Bobillot

Se remémorer (au réfléchi comme au transitif, voire à l’absolu), se réarmer (ou du moins, se réarmurer), à l’écoute du murmure d’amour enf(o)uï, à délivrer (quelque chose comme une vérité) : se réamo(u)rer, donc. Qu’est-ce qui est le plus ravageur : l’événement lui-même (« pas de nom / lieu que le lieu ») ou l’édulcorant de circonstance (« elle est au ciel un ange / dit la mère ») qui, ayant subtilisé l’événement, n’a laissé d’autre choix qu’obstinément, le recours au plus subtil de la langue ? Par l’écrit – parler crie –, d’esquisses en esquives, de lapsus en glissandi, de tmèses en mots-valises et autres « dénivelés cocasses », tout au bout des croisées de ces chemins de voix, la voix de toujours enf(o)uïe se fraye une voie enfin, par où sourdRe, désemmurée…
Blême élégie, donc, adressée à celle dont « fontanelles jamais / ne se sont fermées ». Réelle ou symbolique (mais la réelle est aussi, par la force des choses, symbolique, et la symbolique, n’est-elle pas quelquefois la plus réelle ?), écrire – qui est mécrire –, c’est toujours, d’abord et dans la démesure où « l’amour fait calembour » : bégayer devant sa morte, ou, comme dirait Sylvie Nève : « mettre des mots sur ça »1




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Avec une préface de Pierre Drogi
L’Atelier de l’agneau
72 p., 14,00 €
couverture

1. Sylvie Nève, Mettre des mots sur ça, L’âne qui butine, Mouscron, 2008 ; repris dans Poèmes expansés…, Voix, Elne, 2010.