Par Jean-Jacques Bretou
Octogone est le neuvième livre de poésie de Jacques Roubaud, tous parus chez Gallimard. Aux dires de l’auteur, lors de la publication d’∈, en 1967, il avait eu l’idée d’en écrire sept autres formant autour de ce premier un octogone. Celui-ci, le dernier, conçu alors qu’il est octogénaire, constitue le huitième sommet de cette structure géométrique – par ailleurs en résonance avec son poème intitulé « L’an climatérique » (p. 244), (une année climatérique étant une année critique dans la vie humaine et celles-ci ayant lieu tous les 9 ou 6 années), celui de sa 9 x 9 = 81ème année. Il achève d’ailleurs ce poème par le vers : pouvoir admettre prévoir contempler attendre décider / voir / sa mort /. Il y est donc question du terme de la vie et plus particulièrement du temps qui passe, très présent dans la dernière partie « Une rue » avec les poèmes : « Il y avait », « Sa mort », « Encore les jours », « La rue », etc. Du thème de la mémoire récurrent à tout l’ouvrage et à toute son œuvre qui se traduit ici entre autres par des hommages à ses amis poètes : Anne-Marie Albiach, Jean Daive, Jude Stefan, Raymond Queneau, Edoardo Sanguineti…, aux rues de Paris et bien sûr aux troubadours et à leur pays (auquel il dédie le premier texte « Entrecimamen » qui signifie entrelacement en langue d’Oc). Entrelacs, savantes compositions poétiques auxquelles, en tant qu’oulipien, il nous a habitués. On trouvera donc dans ce livre des sonnets, des tridents, inspirés des haïkus ou des tankas japonais, (le Japon est une autre source d’inspiration roubaldienne – au passage signalons la réédition de son Tokyo infra-ordinaire aux éditions le Tripode). Ces derniers se composent de 3 vers de 5, 3, 5 pieds mais il peut y avoir des tridents à 5 vers ou des tridents combinés. Des quenines (inventées par Queneau) déclinées en sextines, en quinines, en mongines (de Monge), en joséfines (de Flavius Josèphe). Mais il y a aussi d’autres contraintes, comme dans les « Partitions rythmiques ». Le livre se clôt par un poème dont le titre est « Bonheur : sextine ».