Deux beaux livres aux titres-énigmes, elliptiques, qui impliquent le lecteur dans son rapport à leur construction : à quel point fixe se référer ? par quoi cet espace est-il régi, avant la règle ? Les deux volumes construisent une sorte de diptyque, tant par leur proximité formelle (verticalité du texte, presque toujours une phrase qui débute par une majuscule et se termine par un point, bien que cela soit discutable d’un point de vue syntaxique – un rythme, en tous cas) que par leur énonciation : un lyrisme décentré (je / nous abstrait, autre, qui se situe plus dans l’adresse au tu / vous, que dans l’expression d’un moi, « des éboulis dans / la voix / l’un dans l’autre »¹, un intervalle), presque épique dans son adresse, qui frôle l’hyperbole.
Avant la règle travaille sur une antiquité métaphorique et orientée (« une autre Babylone », « l’Euphrate / révèle le symbole »…) dans la fraction et diffraction du verbe : « près de la syllabe étincelle », « sur l’arête / d’une lettre étincelle »... Avant aurait précédé l’Aleph : « la lettre étincelle / et le Dieu mort » – « nous ne devenions pas plus // qu’un texte blanc. » L’Initiale met en branle le jeu de / dans l’identité : « quel feu nous fait / être / nous ? » La verticalité du texte, carottage de la page (cf. le lexique minéral), en témoigne, jusqu’à la clôture : « le chiffre / et l’alliance / une orgue // sur les épitaphes. »

Un point fixe, moins abstrait dans son rapport au corporel (« au fond des chairs », « maladie », « cercle / défaisant / à chaque fois / un corps »…), propose l’observation d’un point originel (« le rite / la nudité / jaillit / d’une brèche », « au seuil / des horizons »), fixe et mouvant dans la mémoire : « rien ne fixe / pensée s’égrène où / je te bois », « je m’adossai à l’air ». Avec, toujours cet autre horizon, final : « mémoire de pierre / supportait / un point fixe. »

1. Avant la règle, p. 8.