Par Gérard-Georges Lemaire
Jean-François Bory est un des écrivains français les plus indéfinissables de notre époque. À la fois romancier, poète, artiste, cinéaste, il aime aussi que tous ces domaines puissent s’interpénétrer. Dans le cas présent, il a choisi d’écrire une petite nouvelle, sous la forme de mémoires. Il a reçu une commande : écrire un texte sur la célèbre artiste américaine Cindy Sherman. Cela devient vite une obsession pour lui, et qui n’est pas partagée par sa compagne, Mariette. Elle, rêve de faire un voyage à Zanzibar. Le récit prend très vite un tour burlesque : lui avec ses tentatives pour définir ce qu’est l’art de l’artiste, elle pour l’en distraire et songer à quitter leur appartement pour aller au loin ! De jour en jour, le narrateur (Bory en personne) finit par trouver quelques idées pour pénétrer l’univers de cette femme qui ne fait que des portraits d’elle-même toujours transformée en une autre, mais il échoue dans sa relation avec Mariette dont le projet est bien ancré dans son esprit. D’où des scènes franchement comiques, et une incompréhension entre les deux personnages qui ne cesse de croître. Dans cette relation tendue mais cocasse, l’auteur parvient au bout de ses peines. Il est sur le point de mettre le mot : fin. Mais c’est alors qu’il s’endort tard dans la nuit et quand il se réveille, il voit une femme devant lui, qui n’est autre que Cindy Sherman ! Toujours surprenant, toujours en décalage avec son sujet, mais capable de retomber sur ses pieds au terme du récit, Jean-François Bory a bien peu rempli sa tâche. Et pourtant, il dit des choses sur cette créatrice qui, mises bout à bout, constituent un portrait incongru des menées de cette star de l’art contemporain. Il a dans sa besace des réserves d’humour et d’ironie à revendre, qui font de lui un sacré chenapan de la littérature actuelle : derrière cette mise en scène burlesque, il est capable de nous faire des confidences sur la réalité de l’écrivain, qui est toujours, qu’il le veuille ou non, l’otage de ses personnages (et, ici, de lui-même !).