Par Agnès Baillieu
Cendrars demande à Henry Poulaille, qui dirigeait le service de presse de l’éditeur Bernard Grasset, de lui faire parvenir tels ou tels de ses livres, ou de les envoyer à des amis, à des connaissances ; invite Poulaille : « Envoyez-moi un exemplaire de… et tâchez de venir me voir. » Signe « Ma main amie. Blaise C. » Travaille beaucoup : « Je travaille et commence à en avoir marre. » Tutoie « HyP » dès 1931, dans une lettre écrite après la lecture du Pain quotidien (« C’est épatant, c’est épatant. »). Se montre exigeant, minutieux : « … retirer l’article Charlot, plutôt que d’en supprimer un mot. Je n’ai aucune raison de faire des concessions aux fascistes. » Apprécie toujours, dans les livres du romancier prolétarien Poulaille (« libertaire » serait sans doute plus exact), l’authenticité du style : « … ce beau langage de Paris… qui vous libère de la scolastique et de l’érudition. » Les éditions Zoé ont déjà publié les correspondances de Cendrars avec Henry Miller et Robert Guiette. Ici, il ne s’agirait que d’un monologue fragmenté de Cendrars si ses 104 lettres ne constituaient comme un portrait en filigrane de ce « curieux homme », de ce « grand gosse » pour reprendre les termes de Poulaille. Et surtout s’il n’offrait aussi 5 lettres de celui-ci, et un tableau détaillé du contexte des échanges ; sont précisés allusions (par exemple l’affaire Freinet en 1932, ce que Suarès a dit de Chaplin…), datations, lieux d’expédition des courriers, rôle des personnalités mentionnées, iconographie (ainsi, reproduction de la graphie peu lisible de Poulaille), « Échos » et « Résonances » : 4 articles de Poulaille et sa précieuse préface à L’Homme foudroyé, dans laquelle il se montre catégorique en regrettant qu’on ne crie pas au plagiat, puisque selon lui les Calligrammes d’Apollinaire ont bien emprunté à La Prose du Transsibérien. « J’aime tant Cendrars » en sont les derniers mots.