Yannis Ritsos : Grécité suivi de Après l’épreuve / Tard, bien tard dans la nuit

 
Par René Noël

Ce pays est aussi dur que le silence, / Il serre contre son sein ses dalles embrasées, / Il serre dans la lumière ses vignes et olives orphelines, / Il serre les dents. Il n’y a pas d’eau. / Seulement de la lumière. / Le chemin se perd dans la lumière. Yannis Ritsos naît de cette contrainte de lumière, aridité provisoire. L’épopée dont il procède, nouvel atride, Œdipe échappé de lois obsolètes, à la rencontre d’un monde neuf, traverse les épreuves des totalitarismes en voyant plus loin dans le passé et devant lui – futur vers lequel nous allons, nous aussi. Jacques Lacarrière, partageant sa vie entre la Grèce et la Bourgogne, traduit Grécité en 1974 autant par solidarité avec le poète aux arrêts, que par nécessité, emporté par le génie contagieux de Ritsos. La poésie de Ritsos inaugure, rayonne, adopte et découvre ses parentés à mesure qu’il vit.

Tard, bien tard dans la nuit livre les derniers poèmes écrits par le poète libre, enfin, de ses mouvements. La contrainte reste la même. Ritsos écrit ses visions communes. Les créateurs n’inventent rien, ils observent ce qui va et vient sous les yeux de tous les humains. Les dieux étaient-ils moins absents pour Homère que pour nous aujourd’hui ? Légendes et fables. Peu importe, car plus légère est l’illusion, plus l’immatériel, clartés de toutes proximités et limites des sens, celles que chacun reconstitue lorsqu’il ferme les yeux, libéré de tous a priori, parle de ses lèvres. Les incarnations ne sont ni simultanées ni successives – Le poème aussi / a la bouche scellée par une croix de cire, s’écrit et se lit à temps – aucune espèce ne se limite à ses limites apparentes. Radiographies, images, la matière immémoriale, grenier à ciel ouvert des formes, agrège les éons sans partis pris, plantes minérales et tempéraments humains mêlés. Les mots voyagent d’emblée, orphisme contemporain, une fluidité du changement relayant le temps des métaphores, ciel des objets entiers, fixes, et leurs distances, inachève leurs dialogues.


Share on FacebookTweet about this on TwitterPin on PinterestShare on TumblrEmail this to someone
Grécité
suivi de Après l’épreuve
Traduit par Jacques Lacarrière
Préface de Bruno Doucey
Édition bilingue
Bruno Doucey
112 p., 15,00 €

Tard, bien tard dans la nuit
Traduit par Gérard Pierrat et Marie-Laure Coulmin Koutsaftis
Édition bilingue
Le Temps des Cerises
332 p., 17,00 €

couverture
                                   
couverture