par Jean-Pascal Dubost
Ou ils sont vivants, mais quelque peu morts déjà, les habitants de ce hameau que l’esprit du poète arpente dans sa mémoire, et l’ombre d’eux-mêmes, ou ils sont morts, mais Jacques Josse ravive leurs derniers souffles de vie, par empathie mélancolique qui jamais ne verse dans la morbidité. Les poèmes en prose de Hameau mort sont des requiems ; qui leur confèrent une musicalité de prière méditative, « Je vais, dit-il, porter d’interminables requiems à ceux qui dorment sous le marbre », écrit le narrateur mystérieux des poèmes. Le poète fait usage du pronom « il », pour s’absenter et se glisser parmi ceux-là qu’il accompagne, hanter les pages discrètement comme il hante le hameau, pour, peut-être, appeler ces autres, qui se fondent dans son pronom « il » ; il les re-présente, « Il les repère, leur emboîte le pas. Ils zigzaguent sous les lampadaires. Ou près des oyats, au ras des dunes. Ils font de grands gestes. Sinuent des ruelles au port […] Ils portent des nuages, des bouteilles, des livres – toute une misère – aux ordures ». L’humilité est la force du poète Jacques Josse, son égard pour les déglingués, les abîmés, élabore, livre après livre, un memento mori d’une étrange douceur.1
1. Également paru en 2014 : Jacques Josse, J’ai pas mal d’écume dans le cigare, La Digitale.