par Alexandre Ponsart
Couverture orange et écriture blanche ; trait blanc à la verticale. Le lecteur n’a que peu d’élément ; la curiosité le pousse à entrer dans le livre. Or, son Entre n’est, a priori, pas une invitation à entrer dans l’histoire que l’auteur pourrait nous raconter.
Entre n’est pas un verbe mais la préposition qui indique l’espace entre deux éléments. Il est un mot invariable dépourvu de fonction grammaticale et qui permet de réunir deux mots. Le texte est dépourvu de ponctuation ; ce n’est qu’une suite de phrases, de mots qui se suivent les uns derrière les autres. Entre devient donc l’interstice que crée l’absence de ponctuation. Seuls des espaces géométriques permettent de donner la respiration à la lecture. L’auteur nous indique : « Entre est ponctué à l’aide d’une paire de dés. Les intervalles entre chaque phrase s’étendent donc entre deux et douze coups de curseur. Entre est un texte aléatoire qui est accompagné par l’empreinte de trois formes transcendantes : le cercle, le carré et le triangle. »
Il décrit un alphabet séparé de l’écriture pour encadrer tes phrases avec des blancs Les marges d’une page s’écoulent entre des mots qui s’inscrivent dans sa vacuité Son inspiration décalée saisit un lien entre mes lignes et tes fuites La consistance réversible de votre imagination roule entre des interlignes qui travestissent notre transparence Observons les rebonds obscurs d’une langue qui délimite la profondeur de ta manière
C’est dans cet Entre que l’on retrouve un peu de l’auteur. Comme s’il y avait une double lecture du texte ; une plus traditionnelle et une autre plus originale avec les intervalles aléatoires où Philippe Jaffeux semble se dévoiler. Des blancs arbitrent un combat entre mes lignes et vos neurones Détruisons l’espace de ses règles lisibles avec une ponctuation bizarre (…) Les jeux fortuits d’un curseur attirent la décrépitude d’un ordinateur. On y découvre un auteur luttant contre sa maladie.
Philippe Jaffeux s’amuse à confier l’écriture de son texte à l’autorité du hasart mettant de côté les codes traditionnels de la langue poétique. Les règles changent, évoluent, elles ne dépendent que du poète et de ses deux dé s qui reconstruisent la lumière du papier. Car, comme le rappelle Jacques Roubaud, « ce qui est difficile à admettre, à entendre, et à comprendre (…) c’est qu’il y ait, encore, cette manière particulière de traiter la langue qui constitue la poésie (…) Pour beaucoup (…) le crime essentiel de la poésie est l’incompréhensibilité. La poésie doit satisfaire les exigences de sens d’un public hypothétique. L’accusation d’incompréhensibilité est associée de manière implicite à l’exigence de compréhension immédiate ».
72 p., 12,00 €