par Khalid Lyamlahy
Dans cette édition revue et augmentée d’un recueil poétique paru en 2015, François Cheng s’emploie à lire la beauté invisible de la Nature. D’emblée, il affirme que « la vraie gloire est ici / Nous passons à côté » (9). Ode à la splendeur de l’univers, le poème suit le cours des fleuves, l’ondulation des arbres, les mouvements conjugués de la faune et de la flore. En reconstruisant le « miracle de la naissance » (28), le poète explore les secrets de la Création et retrace le passage du Rien au Tout. L’écriture poétique devient un acte à la fois de renaissance et de reconnaissance, un élan vers les « voies ouvertes de l’antique ivresse » (11) au contact de la Mère-Nature. Au détour des pages, surgissent le « reflet de l’enfance » (37) et les signes d’une mémoire qui cherche à célébrer l’unicité fragile de l’existence. Entre nostalgie et mélancolie, le poète tente de saisir les instants furtifs d’une vie sans cesse renouvelée. Alors, il interroge les mystères du ciel et de la terre, sonde le rythme des saisons et recueille les « débris de la mémoire » (70). Pour « vivre l’ici-maintenant » (73), nous dit Cheng, il faut savoir écrire la beauté de la Saint-Jean à Helsinki, le plaisir d’une rencontre dans une rue parisienne ou encore le souvenir ému de Shelley dans le Golfe des Poètes. Bref, il s’agit de comprendre que « toute vie à venir » est « une vie à jamais survécue-souvenue » (104). Dans des poèmes qui oscillent entre le spectre de la mort et le « Désir de vie » (124), Cheng interpelle les hommes et écrit à la gloire du chant qui « seul peut déborder le temps » (130). Ailleurs, il imagine le discours d’une âme, élève le poème « en perpétuelle offrande » (84) à ses amis, et chante le bonheur d’une passion intime qui rassemble les cœurs et célèbre « la vie foisonnante, multipliée » (149). Entre le terrestre et le divin, le poème donne voix aux « choses muettes » (174) et proclame que « dans le souffle éternel, tout instant est gloire / de la donation totale » (20).