Sylvie Nève : En Mer En Vers

 
par Narciso Aksayam

Imaginons (naviguons sur l’idée) que chaque vague multiplie la Mer, comme on déplierait un fractal de signification, s’enfonçant en focale (textuelle) poétique dans le détail des embruns – des emprunts – d’un récit, autant que dans les dentelles d’anfractuosités d’un récif. Cependant gardons qu’ici l’Élément ne sera ni paysage sentimental ni immensité existentielle dressée pour le tourisme exotique de nos âmes ; il sera aventure poisseuse dans le lit naufragé du jour ordinaire.
Trois livres, trois auteurs, trois naufrages recrachant leurs scories augmentées de coupes et d’écho de Langue : Maupassant, Verne, Rimbaud. Enfle comme la houle, gonfle comme une nasse, dérive comme d’un titre l’autre se recouvrant dans la perte dont nul ne revient, ou certainement plus le même.
Sur un quai de page blanche alors, puanteurs de chalut, noirceurs ouvrières, démences et perditions cannibales de radeaux, ivresse dernière dont la cale bourrée déparle un monument noyé de mots… On coupe au détail, on augmente, on délie, on défait : on récrit.
Combien d’âges faut-il pour faire une poète ? Est-ce songe osé que de nager au-dedans des sillages accumulés de Lettres, d’y cultiver sa propre nacre d’écume, sa propre encre, de s’engouffrer dans la gorge d’un Précédent pour lui faire rendre un autre oracle, une autre horreur, une autre rade creusée dans les flancs d’une humeur plus contemporaine ? On sait quelle scansion heurtée de pulsions, de brûlures, de commotions verbales, anime Sylvie Nève, son rire écorché à l’hameçon : ce sont darnes de vivant étalées crues au vent qui cingle entre les dents. Ce qu’on avait cru lire palpite entre les ponts, bastingues, hunes recyclées en vers libres toujours tus, chéris, râle amer : en vers pour tout miroir.




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Les Contemporains Favoris
« Œuvres complètes »
152 p., 18,00 €
couverture