Françoise Ascal : Entre chair et terre

 
par Antoine Emaz

Les quatre suites qui composent ce livre (Entre chair et terre 1, L’encre du sablier, Ombres – Berlin, Entre chair et terre 2) ont une forte unité qui tient à l’opposition ombre / lumière, vie / mort, passé / présent, source / marais, ruine / espoir… Les deux pôles ne s’excluent pas, ils créent une tension que le poème cherche à canaliser, à rendre féconde, pour trouver une voie, une issue « entre chair et terre », disons entre vie libre et lien au passé, qu’il soit personnel comme dans la première suite, ou historique comme pour Ombres – Berlin. L’emploi fréquent des interrogatives marque la difficulté, sinon l’impossibilité d’en finir avec cette quête de libération : « les morts / sont beaucoup trop vivants », et le temps présent reste en dette vis-à-vis du passé, même s’il est devenu confus, réduit à l’état de traces ou de figures anonymes, silhouettes sans poids. Ainsi, dans la première suite, cette lignée ou généalogie de femmes qui émergent dans les « eaux blanches » entre mémoire et rêve, et semblent appeler l’auteur : « à mon passage / quelque chose se hausse en silence / me draine et me hale // quelque chose n’en finit pas ». Ce qui est remarquable chez Ascal, autant que l’ambivalence du passé (poids bloquant et lest équilibrant), c’est l’obstination de l’espoir. Dans L’encre du sablier, elle interroge la création, écriture et peinture ; il s’agit d’aller de l’ombre à la lumière, « De la pointe de ton pinceau / tu guides vers le jour / ta part de nuit ». Un peu plus loin, on pourrait considérer cet effort comme vain : « aucun nom / pour épeler / ce qui n’a pas de nom », « un signe noir / sur fond de nuit ». Mais un peu plus loin encore, il y a « ce que nos yeux entrevoient dans la lumière » et il faut reprendre le travail pour traduire «  notre effroi / notre espoir / (…faire) croître / une fleur de sens ». Cette poésie, qui ne nie pas son lyrisme mais le mesure, est une bonne compagnie pour « traverser / la saison rude / sans lampe ni boussole ».




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Peintures de Jean-Claude Terrier
Le Réalgar
« l’Orpiment »
80 p., 16,00 €
couverture