Jean-Louis Giovannoni : Sous le seuil

 
par Sébastien Hoët

Ce très beau livre est sous-titré Récit, terme qui fait signe vers un impossible genre – le Récit est un verbe métaphysique dilué dans le roman, la nouvelle ou le conte, et n’existe par conséquent jamais à l’état pur. Sous le seuil, sous les allures modestes d’une suite de notations écrites dans un style neutre, chapitrées ou séquencées dans un journal tenu à l’heure près, pourrait à sa manière réussir la concentration de cet impossible Récit. Jean-Louis Giovannoni, dans un geste commencé avec la Douce Nuit de Buzzati, descend sous le seuil de la perception humaine, et de toute perception possible, laquelle suppose un point focal, centripète, qui déforme le Tout en un horizon fini, pour égaler l’écriture à la vie dans son infinie prolifération, cette gerbe d’êtres vivants de toutes dimensions, de tous appétits, de tous états – car qui meurt vit d’une autre vie : « Combien de temps met un corps humain à l’air libre. / Altérations progressives du substrat. Se modifie à vue d’œil. La matière suit sa pente » (p. 33). « Tout est là, disponible » (p. 109), tout se prête à cette parole neutre, immanente, qui se multiplie en s’élidant : « Elle touche mes antennes, frissons. Rapide, monte sur son dos. Envoi de sperme dans ses deux cavités matricielles » (p. 48). Qui parle ? Tout parle, tout remue, tout volète et se disperse et s’assemble, les amants lovés l’un dans l’autre ne le savent pas encore – « la vie commence » (p. 122). Si Dieu perçoit, un Dieu de la terre, et non du ciel, c’est ainsi.




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Récit
Éditions Unes
128 p., 20,00 €
couverture