August Strindberg : Sensations détraquées

 
par René Noël

Strindberg. Un nom-monde à l’image de Nietzsche son alter ego dont il veut traduire Ecce homo avant de devoir renoncer, l’un et l’autre étant trop désargentés pour réaliser ce projet. La folie irrémédiable de l’auteur de la Naissance de la tragédie lui donne une fois de plus dans sa vie l’occasion de changer du tout au tout ses buts et motivations1. Il devient fervent alchimiste et mystique. À Paris la réalité se dédouble et en un ultime hommage à son ami il tombe à son tour en folie. Sensations détraquées2 relate l’expérience de cette folie paranoïde, épisode qui précédera l’écriture d’Inferno, démence dont il sortira. Proche de Nerval, il restitue le réel et ses doubles, écrit ces suiveurs, épieurs perpétuels, objets personnalisés, esprits s’emparant des immeubles, rues, avec une facilité déconcertante qui ne transforment pas seulement ses traversées de Paris en guerres protéiformes menaçant sa survie, démultipliant les pièges, les volontés de lui nuire en permanence, mais laisse entendre, une fois redressée cette vision sans nuances du caractère invivable de la vie où chaque pas peut s’avérer dédales de voix infinis, qu’il y a toujours à voir là où personne ne voit rien, ni le rien, ni les vies insoupçonnables du monde concret. Strindberg adopte après sa folie la vision symboliste3 et greffe, unit l’expressionnisme à sa psyché inspirant des auteurs dramatiques de tous temps, dont Lars Norén, notre contemporain.




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couverture

1. Il a été notamment romancier, diariste, homme de théâtre, peintre, photographe, télégraphiste.

2. Écrit en français et publié dans un journal parisien en 1894.

3. Aux côtés de Maeterlinck.