Anthony Phelps : Je veille incorrigible féticheur

 
par Christophe Stolowicki

Né à Haïti où il a connu les prisons de Duvalier, réfugié au Québec où il devient l’une des voix reconnues de la francophonie, il a quatre vingt-huit ans sous la carapace du poème et verbe véloce recuit par l’exil file ses pas dans les pas de ses pas ; la peau diaphane de ses mots filtre une encre douce qui tatoue et s’efface à face. Aux basses suraiguës d’un « saxo du diable », quand « les nuages ont tant poli le ciel / que tout son bleu est délavé », une poésie du très grand âge gourmande de poussières, chevrotante de haute lisse se police de peu d’enjambements, « tracé tremblé de la réminiscence », volubilité émincée en (dé)charge d’une mémoire ; la faconde diaphane exsudée de tout accent caribéen, un barde hors d’âge gravant Booz dans le bonze, lucide de transparence découvre « un flou féminin [qui] forge la frise que fait l’absence », se nomme « en toute libation » et sans l’ombre d’une ambivalence « Femme de bel éventail […] / de somptueuse rivière de gorge ». Tel André Breton peu suspect d’homosexualité célébrant le Facteur Cheval en plantes [qui] te souriions tu nous tenais par la taille / Et nous prenions les attitudes de ton plaisir1. Quand le sommeil se fait douteux (« je me rendors / poreuse ellipse »), un « veilleur […] fait flamber son épilogue ».




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Bruno Doucey
136 p., 15,00 €
couverture

1. Dans Le Revolver à cheveux blancs, 1932.