Charles Pennequin : Les Exozomes

 
par Ludovic Degroote

Exolivre que ces exozomes ? En tout cas, un ensemble improbable dont on ne sait comment il se gouverne, à supposer qu’un livre puisse ou doive se gouverner. 29 textes souvent en prose parfois en vers, avec des jeux visibles de typographie ou de ponctuation qui montrent que l’écriture ne se plie ou ne s’enferme pas dans une manière. Quoi d’autre ? Des miscellanées. Au début il est bien question de personnages et d’un récit – une fin de soirée arrosée où un narrateur (un « exo-moi ») et quelques autres partagent notamment « des discussions écologico-médicinales » – qui n’est pas vraiment un récit, un poème qui n’est pas vraiment un poème. La trame narrative semble davantage un prétexte à traverser le monde et des possibilités de la langue : qu’on perde les personnages au cours du livre n’a pas d’importance. En revanche, Pennequin a un regard sur le monde – des relations humaines à l’astrophysique, du monde du spectacle (« même le vrai est faux dans le spectacle ») à la place de l’écrivain (« les meilleurs cloportes, ce sont tout de même les écrivains »), de la place de la politique à celle du sexe ou de la philosophie (« la femme foulosophique, qui fait partie de l’ancienne église pour la sodomie et l’euthanasie totale » veut détruire tous les humains). Regard caustique, parfois célinien, truffé d’humour noir – exception nostalgique pour une scène d’enfance. L’écriture s’essaie : ici des bouts de phrases rompus par des points, là des vers en zigzag, ailleurs quatre pages sans ponctuation, etc. Ce qui pourrait sembler le fruit d’un hasard ou d’une tentative est le résultat d’une indubitable maîtrise, quoiqu’en dise le narrateur (« maintenant charlie écrit sans se la péter écriture »). J’en veux aussi pour preuve la manière dont le texte avance en spirale ou par des cascades de sonorités ou de jeux de mots, mais souvent il aboutit ou s’arrête à une vérité générale qui tient lieu de maxime ou de formule (à la manière de Hugo, qui a « l’art de la formule ») : elles montrent que ce texte du désordre, anarchique au meilleur sens du terme, jouissif lorsqu’on y adhère, ne perd pas de vue un certain ordre1.




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P.O.L
224 p., 13,00 €
couverture

1. Un regret : qu’il n’y ait pas un CD pour faire entendre des extraits : le souffle et la diction de Pennequin contribueraient à faire entendre les mouvements divers des textes, particulièrement pour le non initié.