Geneviève Bouchiat : Voix cachée

 
par Odile Mouze

Harpo & reprend en édition courante (si tant est qu’il y ait quelque chose de courant dans le travail de Pierre Mréjen) un livre d’artiste édité il y a vingt-deux ans dans son atelier de la rue Vaucouleurs, où le Rouleau Libre encrait alors à bras. Le livre avait été tiré à quarante exemplaires avec des gravures de l’auteur « sur différents matériaux ». J’avais lu sur épreuves Voix cachée. Cette lecture ne m’est jamais sortie de la mémoire, par la violence qui en émanait, aiguë jusqu’à l’ultrason, quasi inaudible, réduite à des vibrations, et d’autant plus efficace. Voix cachée décrit le travail de la patience : un travail au sens pascalien, c’est à dire une épreuve, une torture même. Et l’inutilité de tout ce qui serait autre chose que silence, à partir de l’instant où l’acceptation de la souffrance est devenue un absolu. Dans sa douceur apparente le livre de Geneviève Bouchiat est un goutte à goutte implacable : un acide qui ronge l’absence jusqu’à mettre à nu une présence plus douloureuse encore que l’absence, quand on est réduit à ses os / assis sur ses os / couché en ses os / avec la nuit devant soi1. Beaucoup tentent d’arriver à cette immobilité et ce silence, car on sent bien que là est la force, là est le poids. Seulement il faut avoir traversé l’Achéron… et qui est disposé à payer le prix au passeur ?




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Harpo &
64 p., 14,00 €
couverture

1. Saint-Denys Garneau, Poésies complètes, Fides, 1956.