Bernard Noël : Le cerveau disponible

 
par Sébastien Goffinet

Cet opuscule, bref essai, n’est pas un livre de poésie ; mais il est le fruit de la réflexion de quelqu’un – Bernard Noël – qui est aussi poète, dimension qui n’est pas indifférente à la pensée développée dans ce titre. En effet, si les discours stigmatisant, incriminant la télévision sont légion, et plus encore depuis qu’un ponte, dans la formule célèbre qui donne son titre à ce livre, en a livré l’unique objectif, ces dénonciations, qui portent sur le consumérisme et la décérébration, n’ont pas la portée de celle que livre Bernard Noël, à savoir que selon lui, la télévision remet en cause la définition même de l’être humain dans sa spécificité d’être humain (« l’esprit fonde la relation entre les hommes, donc […] crée la société, la culture et tous les développements qui en découlent », p. 8). La télévision « permet de pénétrer dans l’esprit […], de le violer sans en avoir l’air et d’y installer les éléments propices à sa soumission » (p. 9) en ce sens que « la vue est fascinée par une succession d’images […] La pensée dérive alors au fil d’un spectacle qui lui permet uniquement de s’identifier à lui et qui, donc, l’empêche d’interpréter et d’imaginer » (p. 25), activités précisément définitoires de l’esprit et qui ont entraîné, à partir de la perception visuelle, l’apparition du langage. Ainsi Bernard Noël conclut-il « sur l’urgence […] de ranimer une résistance corporelle à ce qui méprise notre corps et s’empare de notre seul espace mental pour y semer une soumission qui agira en nous comme un réflexe » (p. 28) et sur le « choix » encore possible, encore pensable, du « spectateur-auditeur ». À un flux incessant de stéréotypes, on préféra donc les sorties au-dehors, les rencontres engagées et radicalement militantes, l’amitié des un-e-s, le partage avec les autres, et l’Amour de ma blonde dyslexique.




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