Gaston Criel : Popoème

 
par Ludovic Degroote

Gaston Criel (1913-1990) est une figure étonnante mais oubliée : rendons grâce aux éditions du Chemin de fer de rééditer ce recueil de 1976, Popoème, augmenté de quatre poèmes, comme l’avaient fait reparaître en 1988 les éditions du Rewidiage animées par Guy Ferdinande. Dans une langue qui ne s’interdit rien, Gaston Criel (ou « Cruel », comme il se nomme par dérision dans l’un des derniers poèmes) dénonce les valeurs qui font la colonne vertébrale d’une société en fait rongée par le matérialisme et l’hypocrisie. On y trouve pêle-mêle la famille, la religion, la consommation, le corps et le sexe, les idéologies, la culture, etc. Détournement du vocabulaire, images dominées par la scatologie, vers vite tourné, rythme rapide nourri d’accumulations ou d’anaphores, récupération des symboles de cette société pour les tourner en dérision, l’auteur exploite les ressources d’une langue qui croise violence et humour pour chercher à percuter. « Tu m’as collé au caca-mundi et je n’y puis rien mère-salope. » Derrière cette colère inépuisable, il y a une forme de mélancolie qu’expriment certains titres associés au blues – Criel était un grand connaisseur du jazz. Entre Vian et Pennequin, ses poèmes ravageurs fustigent la « comédie funèbre / de la naissance et de la mort ». On saura également gré à l’éditeur d’avoir repris la savoureuse photo de l’auteur allongé nu au bord d’un rivage, ainsi légendée : « Gaston anadyomène ».




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