Jean-Marie Gleize : Le livre des cabanes

 
par Sébastien Goffinet

L’échinoir de la prose

Jean-Marie Gleize – il le revendique – n’écrit depuis longtemps qu’un seul et même livre. Le livre des cabanes ne déroge pas. Il suffit donc de renvoyer aux entretiens que J.-M.G. a accordés ici et 1 pour diriger vers quelques éléments de la « poétique » gleizienne. Ce qui m’intéresse ici est ce qui distingue Le livre des cabanes des autres livres de J.-M.G. Il convient pour cela d’interroger le sous-titre, faux marqueur générique, du livre et son pluriel : politiques. Dans son Francis Ponge2, J.-M.G. écrit : « son travail, (…) dans sa spécificité (celle de ses matériaux, de ses moyens, de son projet) (…) est intégralement politique, et voulu comme tel » (p. 149), et, plus loin : « “le” politique (une conception globale de la société et de l’articulation entre cette société et la “pratique de la littérature”) ou “la” politique (l’engagement effectif et actif dans un camp ou dans un autre) s’inscrivent à des degrés divers dans le texte » (ibid.). Dans Le théâtre du poème3, il lie à nouveau esthétique et éthique, sous le terme de « poéthique » : « Pour une esthétique, une autre éthique et une autre esthétique, un autre corps, une autre syntaxe, une autre langue. Où renaître. La dimension politique de cette écriture [d’Anne-Marie Albiach] pourrait alors apparaître » (p. 85). Le politiques du Livre des cabanes conjugue ces dimensions et, au-delà des formulations explicitement politiques (« D’une politique radicale », titre du chapitre 15 ; « nous appelons une révolution possible », p. 153 ; « Le capitalisme n’a qu’un seul contraire dont le nom historique est communisme », p. 53), l’anagramme qui constitue, en gras, la seule inscription de la page 20 : « .T.A.R.N.A.C.4 / .C.A.N.T.A.R. » semble emblématique de cette « sensation que je [J.-M.G.] définis “politique” » (p. 95). La spécificité du Livre des cabanes tient ainsi dans la réaffirmation, insistée, du nécessaire et indissoluble lien entre le / la politique et l’écriture ; la prose est, doit être, ne peut qu’être un acte politique : « Ainsi le peuple revient. L’herbe pousse et repousse. » (p. 148).




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Seuil
« Fiction & Cie »
176 p., 16,50 €
couverture

1. Ainsi que : L’illisibilité en questions, Bénédicte Gorrillot, Alain Lescart (dir), Presses universitaires du Septentrion, 2014, p. 141-174.

2. Jean-Marie Gleize : Francis Ponge, Le Seuil « Les contemporains », 1988.

3. Jean-Marie Gleize : Le théâtre du poème – vers Anne-Marie Albiach ; Belin « L’extrême contemporain », 1995. Réédition Horlieu, 2015.

4. cf. L'article de Luigi Magno dans CCP #30-5 sur À nos amis du Comité invisible et Jean-Marie Gleize : Tarnac, un acte préparatoire, Le Seuil « Fiction & Cie », 2011.