Jean-Michel Espitallier : Salle des machines

 
par Stéphane Nowak

On aurait tort de voir dans Salle des machines de J.-M. Espitallier, un livre des écrits de jeunesse, expression sujette à caution laissant croire que les écrits précédents ne sont que les brouillons naïfs de l’œuvre à venir. Les listes et inventaires, un travail parodique, sont sans doute les marques formelles d’unité du livre. Les listes d’Espitallier combinent en effet des variations grammaticales (singulier / pluriel, masculin / féminin) et des ruptures thématiques (du technique à l’invention). Le Théorème d’Espitallier II peut se lire comme une pensée du langage : une sorte de théologie négative, visant à dire ce que n’est pas un animal par forme apophatique, en jouant sur les faux amis poétiques et la mimesis fallacieuse. Une manière de reprendre la problématique mallarméenne d’échec du langage, de dire que le mot ne peut rejoindre la chose, et de se défier de toute illusion référentielle (« le mot fleuve n’est pas un fleuve », p. 209) Il n’est pas certain que ce livre soit unitaire. On pourrait opposer certains poèmes parodiques (Demain, dès l’aube) à certains poèmes-partitions ou poème sonores (Le boucher !) utilisés comme support pour de nombreuses performances. C’est aussi un livre de réflexion sur la fabrication, avec sa fascination pour l’industrie les travaux (On goudronne). Et des paysages (Marseille, marché d’Aligre, La Villette..). De nombreux textes sont basés sur des événements (Section, l’agression d’un clochard ; En guerre en rapport avec la guerre en Irak) et donnent au poème une dimension documentaire. L’hétérogénéité structurelle des textes peut gêner la lecture continue du livre pour un lecteur novice car la dimension visuelle ou sonore est constamment recomposée. Une manière de penser le livre comme débordement et non comme clôture comme s’en explique l’auteur : « un livre inachevé est toujours un livre qui commence, de même qu’un livre qui se termine commence d’inachever le livre suivant » (p. 120).




Share on FacebookTweet about this on TwitterPin on PinterestShare on TumblrEmail this to someone
Flammarion
« Poésie »
232 p., 18,00 €
couverture