Jean-Marie Gleize : Sorties

 
par Stéphane Baquey

Une insistance… Mais au-delà du désastre présent, quelle est la certitude qui engage Jean-Marie Gleize dans un tel dépouillement ? Sa nécessité est obscure, « travail aveugle ». Tout ne semble se soutenir que de la force d’une révolte. Ainsi se terminait une recension critique de poésie – ma première, en 1995, dans la revue Prétexte, au sujet du Principe de nudité intégrale. Manifestes. Une œuvre continue. Une même nécessité insiste, principalement réalisée dans un cycle, ouvert par Léman en 1990 et dont un septième volume vient de paraître1. L’un des noms de cette nécessité, en tant qu’elle est un compte tenu des mots, est : « littéralité ». Sorties2 rassemble des interventions qui donnent un ensemble de coordonnées contextuelles où ladite littéralité acquiert sa valeur d’usage. S’y trouvent les éléments de plusieurs histoires : de la modernité dans la poésie française, des lieux et des livres de Jean-Marie Gleize, de luttes politiques. Ces coordonnées résistent à l’intelligibilité narrative ou théorique. C’est la conjonction des éléments mis en série qui est porteuse d’évidence et de conviction. L’énigme est dans le pouvoir de figuration de la littéralité, figuration négative de ce qui n’est susceptible d’advenir par aucune médiation : « Évoquant la nudité intégrale ou le nu dénudé, ou encore la prose en prose littérale-objective, je voudrais faire entendre la notion d’événement d’un sens inaccessible. » Le dispositif ne s’efface pas dans une stratégie. Jean-Marie Gleize reste dans le lieu de la poésie, le seul d’où il puisse dire, par une « sortie interne », la nécessité qui le porte. Quant au parti pris, il relève du politique en tant que réel advenant localement, selon une inaccessibilité voisine, en autant de « cabanes ». Son nom à lui est « communisme ». Jean-Marie Gleize maintient la présence d’une histoire, dans une négativité qui n’est pas destruction, mais ralentissement, obscurcissement et inchoation. C’est sa manière de ne pas céder à une liquidation des modernités. Tout est là : proche et inaccessible.




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Questions théoriques
« Forbidden Beach »
446 p., 20,00 €
couverture

1. Au Seuil, dans la collection « Fiction & Cie » fondée par Denis Roche : Léman (1990), Le Principe de nudité intégrale. Manifestes (1995), Les Chiens noirs de la prose (1999), Néon, Actes et légendes (2004), Film à venir. Conversions (2007), Tarnac, un acte préparatoire (2011), Le Livre des cabanes (2015).

2. L’édition actuelle reprend la première, qui date de 2009. Seul ajout : Jean-Marie Gleize répond à Christophe Hanna, auteur de la préface, dans un nouveau texte en fin de volume, « Oui, nous habitons nos ruines, mais ». C’est la confirmation nette d’une reconnaissance envers Christophe Hanna, en tant que représentant d’une postpoésie, et l’affirmation non moins nette d’une décision de s’en tenir soi-même encore à la poésie : « La poésie, insiste, persiste, existe. »