Patrick Bouvet : Carte son

 
par Hervé Laurent

La poétique de Patrick Bouvet enregistre la rumeur du monde et la restitue en y introduisant d’importants effets de distorsion. La rhétorique des médias, séquencée, mixée, se met à recracher, en de savants lapsus, la charge idéologique que d’ordinaire elle véhicule dissimulée sous l’impératif hypocrite de l’objectivité de l’information1. Carte son se présente comme la biographie fragmentaire d’une star de la pop dont le nom n’est jamais révélé, ce qui permet à l’auteur de l’alimenter aux pages people des magazines, construisant pièce à pièce une sorte de Légende Dorée actualisée. Le corps glorieux de la star, ses désirs, ses passions, sa puissance créatrice, ses faiblesses et ses doutes… tendent à l’époque le miroir dans l’image duquel elle essaie de deviner ses hantises. Induite par la suractivité des réseaux sociaux, l’illusion d’intimité favorise dans le public le désir de vivre la vraie vie par procuration et entretient l’illusion de pouvoir prendre part, en direct, à l’épopée de l’être adulé2. Cette surchauffe, Patrick Bouvet la démarque en lui imprimant une accélération supplémentaire, jusqu’à donner au lecteur le sentiment de l’infini vertige au bord duquel elle nous tient désormais.




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L’Olivier
104 p., 13,00 €
couverture

1. « nous sommes devant / un impressionnant ballet / d’images / penser c’est le pire acte terroriste qui soit / a dit la télévision / à l’homme qui l’interrogeait », Direct, L’Olivier, 2002, p. 38.

2. « un spectateur connecté / en permanence / à qui on fait / croire / qu’il pourrait être / déconnecté / à tout moment / un spectateur / amplifié / parasité / pénétré / toujours au bord / de la rupture », Carte son, L’Olivier, 2014, p. 92.