Jordi Bonells : Parcours de l’échec

 
Narciso Aksayam

D’un livre qui emprunte le style aphoristique pour se formuler1, on mesurera l’intensité et l’impact critique à la suffisance d’un fragment à nourrir à lui seul un article, une méditation, un pan d’existence. Ici se fouille la scène psychique obsessionnelle d’une vie de parties d’échec. Et ce qui ne cesse de se renverser, prélevée des topologies mouvantes et des géométries variables de l’inégalité des pièces, arrachée aux masques de la stratégie et aux nausées d’une paranoïa qui veut deviner le complot que prépare chaque coup dessinant la Défaite aux tâtonnements aveugles, c’est la Sémantique instable d’un état de plateau, dont les joueurs et leurs affects intègrent la plasticité en dédoublant la fiction des apparences d’une autre strate de règles. J. Bonells est en effet philosophe2, théorète incisif des souffrances intentionnelles de la Décision dans le labyrinthe intime des calculs3. Trop avide de victoire, ce sont certes ses méchancetés qu’il analyse4, en une poétique émiettée qui piège peut-être plus le Jeu qu’elle ne décrit le joueur, mais dans une tonalité attentive et saillante, jabésienne autant que kasparovienne, qui retient l’intellect, moulinet après clouage, swindle après fianchetto.







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Passages d’encres
44 p., 5,00 €
couverture

1. Apparat d’objets partiels dont la fragmentation réverbère dans le nombre où chaque unité prolifère, se multiplie, semble intensifier sa pensée, l’enfoncer par mille abords.

2. Wittgensteinien, phénoménologue, nietzschéen, taoïste…

3. On y fantasme une géopolitique où l’informatique a bouleversé les affrontements.

4. Et ses malhonnêtetés impulsives à peine contenues dans l’espace des cases, sans égard pour la sculpture des pièces, la marqueterie du tablier, l’imaginaire des emblèmes…