Jean-Luc Sarré : Ainsi les jours

 
Par Étienne Faure

Solitude et Silence sont à Jean-Luc Sarré ce qu’il a « de plus cher ou presque », et qui ouvrent les carnets de notes Ainsi les jours. Une chance. Entré dans ce grand monologue (dialogue ?), c’est la concision qui happe : même la quatrième de couverture, comme un haïku déguisé, reste brève…  Jean-Luc Sarré, évidemment, a le sens de la séquence et nous embarque dans sa syntaxe et sa pensée à n’importe quel endroit. Une phrase apatride qui prend ancrage dans tout constat, et nous emmène en monologue avec lui. « Graphomanie. Tout fait encre. » En vrac on y trouve la mémoire de la mémoire (Ma mère disait toujours : « Ma mère disait toujours ») , l’ennui, ou plutôt « l’embêtement » (au Cours Descartes à Oran), la vieillesse, les souvenirs, le corps, la lecture, l’espoir, la peinture et l’abandon de sa pratique (« Est-ce pour cette raison que j’écris la plupart de mes notes au crayon ? »), le voyage, le rire, le suicide, la lecture de la presse, les allées de cimetières, la paresse, la musique, la ponctuation… Et un permanent regard sur sa propre écriture, le « goût d’écrire », sur ces notes qu’il espère « buvables », se demandant s’il a bien envie d’écrire « pour de vrai ». De temps en temps des citations lapidaires font un écho (dialogue ?) à son propre monologue : Flaubert, Degas, Gauguin, Morand, Goethe (« celui qui est sceptique se condamne à rester spectateur »), Kafka, Joubert, Baudrillard, Balzac, Proust, Jules Renard (principal instigateur de mes carnets dixit Jean-Luc Sarré), Cioran, Montaigne, Thomas Bernhard, Stendhal, Giacomo Leopardi, James Joyce, W. Percy (« … mais j’accepte mon exil »)… Chaque note a sa teinte et les couleurs de l’âme et des humeurs de Jean-Luc Sarré : rarement au beau fixe, avec souvent une pointe de vent iconoclaste, rieur, désespéré, auto-ironique, désabusé et parfois « cette saleté de tristesse que j’ai toute ma vie combattue ». C’est ce superbe ensemble, palette et tons variables, qui fait de Jean-Luc Sarré à la fois un peintre, un caricaturiste, un poète, un scrutateur politique, ironique, homme offusqué qui observe le monde – et observe le silence.




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Le Bruit du temps
192 p., 15,00 €

couverture