Lucien Suel : Je suis debout / Le lapin mystique

 
Par Jacques Demarcq

Voici un recueil, Je suis debout, dont la réjouissante vitalité tient à la variété des approches, des formes et des sujets, dans une relative proximité de lieu : beaucoup de textes évoquent l’ex-pays minier du Nord-Pas-de-Calais. Rien de régionaliste pourtant et encore moins de nostalgique, Lucien Suel ne manquant pas d’y importer l’énergie nouvelle dans sa jeunesse des Beatniks (Kerouac, Ginsberg, Burroughs), celle intarissable de Rimbaud et de bien d’autres : « Je pense aux poètes de Grande-Bretagne morts sur le Front […]. J’ai lu les Chants de Maldoror à Drocourt en face de la cokerie flamboyante et noire. […] Je télescope lieux personnes époques langues » (p. 59-61). La plupart sont des textes, non de circonstance à assumer, mais d’occasion saisie avec une totale liberté, pour une revue, un catalogue d’expo, une plaquette locale. S’y dessine un portrait du poète en acteur du langage – ce qui serait un pléonasme si ce n’était aussi rare. Acteur, il accepte le jeu pour mieux livrer, avec pudeur, son intimité, en des souvenirs émus, de joyeuses envolées, des retours au concret. Inventeur (avec Ivar Ch’Vavar) de formes comme le verset au même nombre de mots ou lettres, il ne dédaigne pas les plaisirs de l’alexandrin titubant (« D’ici je pars vers d’ici vers je oui descends »), les sourires du sonnet en coin dans la tradition (dont un très réussi « qu’on sonne » : « B boum, G grr, P prout, F ffuit, D ding », etc.) ou du haïkaï désenchanté (« Terrain de camping. Le soir, extinction des feux. Le moustique attend. ») Il y a aussi des bestiaires enfantins pas du tout puérils. Parmi d’autres merveilles, tel : « Tôt levé, dans le jardin, à pas de loup, je surprends le lapin. / Travailleur de l’aube, il cisaille les feuilles de carottes, taille les plants de haricots, débite les feuilles de choux, étête les pousses de petits pois. / bonsaï ! bonsaï ! bonsaï ! » Un livre plein de ressources à garder sous la main pour son bonheur.

Le Lapin mystique est un bref roman (écrit en 1998) où des scènes oniriques s’enchaînent en s’entrecroisant. Plaisant, mais moins inspirant que les poèmes.




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Je suis debout
La Table ronde
154 p., 16,00 €

Le lapin mystique
La contre allée
96 p., 8,50 €

couverture
                                   
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