Philippe Blanchon : Chevaux des vagues / Le rire de Nathan

 
Par René Noël

Le temps a-t-il raison de tout ? sa négation n’est-elle pas remède pire encore ? l’éternité privée d’instants ruine l’espace. Ni néant, ni être. Chevaux des vagues par ses Contre-chants, Intermezzos, contresigne des ères diverses sans ruptures entre elles, affranchit du manque et de la possession, vents diaphanes, dits autonomes et dialogiques qui traduisent les dialectiques exprimées de la prose. Matières-formes désirées par le rythme, gouvernail du poème, souffle de Philippe Blanchon, ils interceptent la contradiction entre autonomie de l’art et cours atone des choses, neutralisent les dangers que lui font courir l’excès de mimétisme et d’intransitivité faisant osciller la poésie de la disparition au non-sens. Rameaux obliques des témoins de témoins, ce livre propage l’épopée de Martin1 rendue par les lèvres à mi-chemin de l’obstination d’un seul et de tous humains, point de tangence d’un corps fait de toutes actions mémorables, une par vie, face de l’humanité entière.

Une constellation terrestre anime une constellation céleste, les visages figures du ciel de Nathan – et Jan et Jacques... – mourant vivant à plusieurs reprises, l’histoire vivifiant le mythe aux cœurs de notre époque. Tenue entre marteau et enclume de figures de style retaillées – guéries de leurs sortilèges, la terre scrutée du ciel, étoile labile hésitante – vers l’image pleine d’odeurs et de rêves nocturnes « Nathan avait mangé un tiers du ciel / Mêlant sacré et la lame salée ». Le rire de Nathan incite le monde à livrer le son étalon, passage du zéro à l’infini, rejoue les liens – rapports littéraux (d’ambassades), l’histoire des éléments, des génomes et des âmes, qui embrasse les gestes et sensations les plus éphémères – du continu et du discontinu. Ni corps de hasard, ni œil de Cassandre, ni fondateur à peine débarqué d’un Mayflower, Philippe Blanchon assiste aux métamorphoses, Ovide postérieur aux continents neufs – avant-gardes objectivistes de Nouvelle Angleterre et constructivistes russes –, forge un art des mémoires inédit.


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Chevaux des vagues
La Nerthe / La Termitière
72 p., 12,00 €

Le rire de Nathan
La Termitière
48 p., 8,00 €

couverture
couverture

1. Le livre de Martin, La Nerthe, 2010 – Suites peintes de Martin, La lettre volée, 2014 – le Cycle de Martin formant avec le Cycle de Jacques et le Cycle de Nathan, constitués également de 2 livres chacun, une constellation singulière dans le paysage de la poésie contemporaine, chaque livre formant un tout et une partie en soi.