par Olivier Quintyn
Les conséquences du pictorial turn amorcé par Mitchell depuis son Iconologie1 sont multiples : celle d’avoir institué le champ transdisciplinaire des études visuelles (visual studies) n’en est pas la moindre. Cette anthologie, présentée et dirigée par Emmanuel Alloa, s’interroge sur un autre tournant « interne » des études visuelles, celui qui fait de l’anthropologie, à la suite de Hans Belting2, la matrice théorique pour rendre compte de l’image et de ses pratiques. Deux paradigmes s’y confrontent : le premier, héritier de Hans Jonas et de l’anthropologie philosophique allemande, définit l’homme par son statut de producteur d’image, au point d’esquisser une figure première de l’humain en homo pictor ; le second va plutôt anthropomorphiser les images jusqu’à en faire des quasi-sujets, porteurs d’une intentionnalité, d’une performativité sociale, voire d’une agentivité. Ce riche volume parcourt aussi bien la sociologie des sciences et des techniques de Latour que la morphologie warburgienne ; on regrettera toutefois l’absence de la réflexion néo-wittgensteinienne récente menée par Whitney Davis3 sur l’articulation des formes de vie et de la culture visuelle.
1. W.J.T. Mitchell, Iconologie. Image, texte, idéologie [1986], trad. fr. M. Boidy et S. Roth, Les Prairies Ordinaires, 2009.
2. Hans Belting, Pour une anthropologie des images, trad. fr. J. Torrent, Gallimard, 2004.
3. Whitney Davis, A General Theory of Visual Culture, Princeton University Press, 2011.