Gertrude Stein : Narration

 
par Colette Tron

Les conférences américaines de Gertrude Stein ont été publiées aux États-Unis dès 1935. Ses dits étant aussi importants et complémentaires à ses écrits, pour les comprendre, les situer. Ou bien sa présence exceptionnelle sur le sol américain, sa vivacité avant-gardiste empreinte d’européanité, valurent-elles que celles-ci le soient aussitôt après qu’elles furent prononcées. Ou bien encore la difficulté à traduire Stein – Raymond Queneau même l’affirmait – explique-t-elle que ses « Lectures en Amérique » furent publiées en France chez Bourgois en 1978 et la série des quatre conférences intitulée « Narration » traduite et publiée en 2017. Un salut à la traductrice pour cet apport qui enrichit l’histoire de la littérature et, si j’ose, la littérature de l’histoire. Car c’est bien de l’Histoire dans sa distinction avec la littérature que traite l’auteur dans ses conférences, à travers une tracéologie, ici la narration, qui ne soit pas linéaire et pourtant continue. « La littérature pourrait-on dire c’est ce qui se poursuit tout le temps l’histoire c’est ce qui se poursuit de temps en temps et il faut absolument garder en tête cela quand on réfléchit au récit », tout en lisant « les textes comme les productions d’une nation ». Cela se décline par des observations précises sur la langue (anglaise / américaine) : la vie quotidienne, le temps, l’exaltation, le rapport entre intériorité et extériorité, le sens ; le récit : les catégories prose et poésie, les événements, le présent, l’existence ; la biographie, l’« autobiographie de tout le monde », l’identification, l’écoute. Stein essaie, avec le public, et elle-même comme (son) public, d’en savoir un peu plus sur ce qu’est raconter, narrer, sur « la façon dont l’histoire est écrite doit être écrite a été écrite et pourrait être écrite », et « comment l’histoire peut devenir un texte c’est-à-dire de la littérature », « comment s’écrit l’écrit comment on fait exister un public comment tous ceux qui racontent quoi que ce soit le racontent ». Comment est-il possible d’écrire l’histoire ? Comment créer un tournant dans le récit qui fasse que l’histoire ne se répète plus ? Un changement. Une révolution ? Ces conférences font acte de complétion aux textes de Gertrude Stein et auxquels il est fait référence. Pour notre réjouissance à les (re)lire encore, et mieux.




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Traduction de Chloé Thomas
Préface de Christine Savinel
Éditions Rue d’Ulm
« Versions françaises »
120 p., 12,00 €
couverture