Rarement la poésie vient s’aventurer sur le terrain de la technologie, alors même que l’évolution fulgurante de celle-ci n’est pas sans remettre en question la condition de l’homme. Éric Brogniet, dans cet ouvrage sans concession décliné en trois parties, met en scène cette mutation qui progressivement fait de nous des hommes-machine aux organes contrôlés par l’intelligence artificielle : « des microprocesseurs branchés sur le système nerveux » ouvrent « l’ère de l’homme en kit ». Exit l’imaginaire. Informations et désinformations en flots continus participent de l’aphasie, « l’effacement programmé de la conscience ». Dans un style expressionniste mêlant lyrisme et écriture télégraphiée Éric Brogniet alerte sur notre devenir :  « Vous parlerez en biochimies et en impulsions, frères humains qui après nous viendrez. » Radical Machines semble s’inscrire dans un décor de science-fiction mais la réalité s’y est déjà installée et l’homme-machine tient place désormais à nos côtés. Quand il se met à nous parler on se rend compte que toute pensée propre l’a quitté. « Notre naissance, cette maladie incurable et mortelle » ne sera bientôt qu’un mauvais souvenir. Vive notre future immortalité !