par Marie-Florence Ehret
Un beau titre, qui garde l’empreinte du corps, de la bouche, de la voix de celle qui a dit un jour ces mots à sa petite fille à propos de la guerre d’Algérie.
Résistante pendant l’Occupation, elle n’en donnera pas d’autre explication à sa petite fille qui les retiendra comme un mot d’ordre élémentaire, radical.
Guide de vie et d’écriture.
Une tentative de penser la double nature humaine dans une prose lyrique et forte comme frappée à l’établi du forgeron.
Langue de bouc et de boue, écrit-elle.
Le texte coule en effet comme un torrent de boue et d’eau claire charriant branches et cadavres. Il roule et gronde et se glisse. La langue martèle le monde qui l’emplit et la déborde, lui échappe et la torture.
Intime et mondial à la fois, un flot de mots jamais bavards, cherchant chaque détail à épingler pour dire l’universel et marteler la langue.
D’abord place aux morts qui ont fait les vivants que nous sommes avec Le livre de la table et de la lampe.
Le proche s’étend jusqu’aux lointains de Je ne sais l’Algérie que d’oreille.
Le présent s’ouvre jusqu’à Lucrèce. Lisant Lucrèce.
Dans Célébration de l’espèce, la narratrice porte le poids entier de cette appartenance.
La soif de paix de mon espèce est un fétu de paille emporté par la violence de mon espèce, écrit-elle.
Dans L’inachevé de soi, le poète recueille tous ces moments d’orage de lassitude et de violence au fil de ses jours et des nôtres.
Les mots sont aussi des chiens de bord de route ramenés au refuge.
Nous tous tant que nous sommes, ramène au jour la voix de Louise, l’analphabète résistante pour qui le je ne compte pas devant le nous.
Les sept textes de ce recueil témoignent tous de la position protestataire du poète.
Le septième, le dernier intitulé : Je marche.
Ultime résistance du poète.
Sept livres donc, réunis en un seul. Pour dire non. Et aussi peut-être oui à l’amour !
104 p., 14,50 €