par Khalid Lyamlahy
Comme le rappelle Gérard de Cortanze dans la présentation de la première édition française des Quatre manifestes ultraïstes de Borges (L’Énergumène, 1980), le désaveu ultérieur de cette expérience de jeunesse par l’écrivain argentin ne doit pas cacher l’importance de l’étape ultraïste dans son parcours. Né en 1919 en Espagne dans le sillage des mouvements d’avant-garde européens, l’ultraïsme prône le renouvellement poétique et le dépassement des normes esthétiques. À Madrid, le jeune Borges a fréquenté les cercles ultraïstes et contribué à des revues d’avant-garde telles que Grecia et Ultra.
Ce bref ouvrage propose donc une réédition des quatre manifestes ultraïstes écrits par Borges entre janvier 1920 et décembre 1921, dévoilant les prémices de son érudition et son désir d’innovation poétique. Dans le premier manifeste, « En marge de la lyrique moderne », Borges rejette l’inflexibilité des normes esthétiques, plaide pour une vision dynamique de la vie et voit dans l’ultraïsme « la splendide synthèse de la littérature classique » (p. 8). Dans le deuxième manifeste, intitulé « Manifeste vertical » en référence au Manifiesto vertical publié par le poète espagnol Guillermo de Torre en novembre 1920, Borges assimile la forme littéraire du manifeste à un cri, et lit dans le texte de Torre et « l’enthousiasme de son geste verbal » (p. 10) une défense de la variation et un rejet des dogmes. Dans le troisième manifeste, « La métaphore », Borges souligne la richesse et la visée émotionnelle de cette figure de style puis étudie quelques-unes de ses formes basées sur la mise en parallèle ou la transformation de perceptions sensorielles ou de concepts temporels. Enfin, dans le dernier manifeste, intitulé « Ultraïsme » et intégrant des fragments poétiques, Borges souligne l’unicité du mouvement ultraïste et situe le but de son esthétique dans la transformation de la réalité du monde, par la métaphore et la synthèse des images, « en réalité intérieure et émotionnelle » (p. 29).
32 p.