Denis Roche : La disparition des lucioles

 
par Emmanuèle Jawad

La disparition des lucioles (réflexions sur l’acte photographique) rassemble 17 sections qui sont autant d’articles, de préfaces, de notes d’un journal, d’entretiens avec Denis Roche publiés entre 1976 et 1981 que l’on retrouve dans cette réédition.

Si un avertissement en exergue de l’ensemble mentionne « il ne saurait y avoir de “littérature” de la photographie, car la “littérature” de la photographie, c’est la photographie elle-même », Denis Roche questionne l’acte photographique lui-même plutôt que ce qu’il produit – des épreuves photographiques – reconsidérant les liens que la photographie entretient notamment avec la littérature sous l’angle de l’action (l’acte de photographier / l’acte d’écrire).

Le photographe dans sa pratique et son positionnement – derrière et devant l’appareil photographique (par des prises au déclencheur à retardement, des autoportraits) – et l’appareil lui-même, restent l’axe central d’étude dans cette approche de la photographie. L’appareil photographique peut jusqu’à devenir ainsi, dans une mise en abyme, l’objet même des prises de vue (section 2).

La photographie en tant qu’acte et fait « Alors qu’il faut (…) y voir de plus près, dans le moment où l’action a lieu, et non pas dans le produit de cette action (…) » se rapporte à la prise de vue, l’appareil qui le permet, déplaçant l’objet photographié vers le photographe lui-même entrant dans le champ (« ce qu’on photographie (…) c’est le fait de prendre une photo » p. 75), interrogeant « l’instantané photographique ». L’accroissement du réel que produit la photographie lors de la prise de vue, s’effectue encore de façon plus exacerbée lors de l’utilisation d’un polaroïd. La photographie se rapproche d’autre part de la sexualité lors des prises de vue dans l’aspect répétitif qui la caractérise.

Dans le rapport à la littérature, l’écart est tout d’abord historique, généalogique (considérant la très courte histoire de la photographie au regard de l’écriture) et la spécificité de la photographie réside dans son caractère instantané et sa fabrique de héros positifs. Bien que le fonctionnement écrire / photographier soit selon Denis Roche extrêmement semblable, il les distingue dans leur forme – la photographie qu’il lie ainsi à un journal intime (« je ne prétends absolument pas faire un travail d’avant-garde en matière photographique … »).

Considérant les rapports que la photographie entretient avec la littérature, la peinture et le cinéma, c’est encore du point de vue du sujet, de l’artiste produisant, que Denis Roche se situe « J’imaginais, je voyais littéralement ce que pourrait être cette écriture nouvelle, par quoi il me semblait que je me placerais par rapport à ce qu’on appelle littérature, comme un photographe se place par rapport à la peinture ». La question du montage au cinéma et du cadrage instantané en photographie reste la distinction fondamentale qui détermine chacun des deux champs artistiques.

S’attardant sur certaines particularités du domaine photographique, Denis Roche étudie, dans les dernières sections du volume, le photomontage et l’apport de Dada sur cette question, la photo de film (« l’arrêt d’un continu de temps qui est le film »), la photo de nu et dans ce qui peut faire lien entre théorie, pratique et technique, un extrait de journal avec notes et commentaires concernant des contextes de prises de vues. Des réflexions qui se tiennent résolument du côté de la pratique du photographe et redéfinissent la photographie en tant qu’acte.




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(réflexions sur l’acte photographique)
Seuil
« Fiction « Cie »
198 p., 25,00 €
couverture