Seyhmus Dagtekin : À l’ouest des ombres

 
par Sylvie Durbec

Le recueil a été écrit en résidence à la Maison de la Poésie de Rennes. Habité par une rage contenue, tout le livre est porté par la volonté de réagir face à la violence du monde. Le titre nous rappelle que l’est est le lieu du combat entre Caïn et Abel. L’actualité donne raison au poète d’origine kurde. Découpé en six parties, chacune s’organise dans sa tonalité propre et alterne différents types de poèmes : berceuses, mélopées, hymnes, thrènes et formes plus amples dont le ton est parfois lyrique, parfois épique. Pour le poète, la poésie doit pousser l’homme « à couper court à cette soif de puissance » où les ombres massacrent les vivants. Des figures féminines sont convoquées appartenant au fond commun de l’humanité, Marie, Pénélope, Béatrice auxquelles s’opposent les figures masculines du mal contemporain, oncle Sam et Saddam, réunis en un nom ironique : S(add)am. Tout le texte est tendu vers sa fin : trouver un mot, une langue qui permettrait de sortir de l’enfer par la poésie. L’emploi du futur dans la dernière partie ne relève pas de l’espoir mais bien plutôt d’une sorte d’annonce de l’échec à venir : « Des luttes / tu sortiras par la chute ». La maîtrise de la langue française permet à Seyhmus Dagtekin de faire jouer ses ressources pour trouver la langue du poème : « Lettre après lettre, nous serons extirpés de nos refuges / Nous serons un peu plus tombe à chaque pelletée de mots… » L’exil est là, non seulement celui du poète vivant loin de son pays natal, mais celui présent tout au long du recueil et seule la poésie pourrait apaiser ce deuil.




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Le Castor Astral
104 p., 10,00 €
couverture