par Sylvie Durbec
Ce qui est tien : le toucher
Comme un seuil, Breuil ouvre un espace. Pourtant le mot désigne un espace fermé. Mais Erwann Rougé en fait le lieu du poème qui se déploie ainsi au milieu des arbres : il y a de l’arbre sous l’écriture, et des oiseaux qui les survolent : corbeaux, rapaces, pies. La nature omniprésente est tantôt apaisante et rassurante, on pense que l’on est caché, tantôt menaçante, il a plu du sang… c’est de la chair qui se fend. Ce Breuil (petit bois clos, dit le dictionnaire) est le lieu de la vie et de la mort : il y a des blessures, l’entaille est rouge, et des caresses, la tendresse plus légère. Les fleurs disent la permanence (jasmin, clématite, orchidée, ipomée) et les arbres la mort déjà commencée. Pourtant Breuil est une adresse à la langue, à sa sensualité, dire la nuit-fruit / où nous avions nos amours, et si les détails précis renvoient à la marche en forêt, le bruissement des mots apparaît : craque, crissement, ricanement, bris, bruissement pour finir avec l’insulte de bleu. Voir et toucher le poème sont au cœur de Breuil. Un très beau texte.
16 p., 7,00 €