par Sylvie Durbec
Yann Miralles signe là un recueil qui s’inscrit dans la lignée des précédents et y confirme une voix et un univers très personnels. Sa poésie prend appui sur un lieu, le terrain vague, qui renvoie à la fois à l’enfance et au cinéma, ici celui de Pasolini ou de Resnais. Le poème est ce qui permet de les relier. Où est la beauté, où est la poésie ? À cette question Miralles répond tout au long des textes. Tout le recueil est une recherche de ce qui dans le paysage anime l’écriture. Les deux silhouettes du début (vues déjà dans Jondura Jondura1) avancent dans le poème comme sur un écran tandis que la voix invite le lecteur : « chacun sa piste de décollage ». Pour commencer le poème, il faut un terrain vague telle une page blanche. Les ruines qui le peuplent sont autant de moyens pour entrevoir une beauté possible malgré la désolation. Le poète a charge de « tout tenir ensemble / dans les branches de [ses] bras » dans ce lieu, devenu réceptacle des mémoires multiples que nous portons en nous : cinéma, littérature, souvenirs personnels, lieux solaires d’une enfance méditerranéenne, mais aussi images de guerre véhiculées par les films. Le poème permet au lecteur de retrouver un univers proche et lointain donné dans une langue libre et forte, comme un film qui contiendrait tous les souvenirs et les mots redevenus tout neufs par la grâce d’une écriture fluide. Et les « ragazzi pris / dans la terre mais prêts / presque / à s’envoler » font du terrain vague le lieu d’une beauté entrevue et « l’espoir d’un envol ».