Jean-Noël Orengo : La Fleur du Capital

 
par Jean-Jacques Bretou

Dans la nuit, brille « Pattaya city ». Pattaya, fleur du capital, comme il y a fleur du mal. En tout cas, irrésistiblement attirante et vénéneuse. Lorsque l’on ferme le livre il reste de ce mélange d’horreur et de beauté un goût amer. Pattaya petit village de pêcheur jusqu’au milieu des années 1960 devenu, paradoxe, après le passage des militaires américains, capitale mondiale du tourisme sexuel et cité balnéaire familiale pour les occidentaux. Occidentaux par milliers, déjà nommés farangs lorsque Saadi écrivait son Jardin des roses, farangs en quête de plaisir. Ils viennent ici à la recherche du sexe ou de l’amour. Ils y jouent tout, jusqu’à leur vie, du côté de Walking street, rue des bars à filles, des « lady – bar » ou « ladyboy ». Orengo y a dressé son théâtre baroque en cinq rideaux, cinq actes et cinq personnages. Il y a Marly, exilé en sursis, Kurtz un ancien militaire, Harun un architecte, le Scribe, un écrivain, et Porn, katoy originaire de Thaïlande, amie en titre de Marly. Chaque personnage a une voix, un style d’écriture. Celui de Kurtz est rapide et nerveux, celui d’Harun plus lent. Marly essaie de s’établir, Harun vend des studios aux gogos occidentaux. Mais tous sont sous l’emprise de cette drogue qu’est Pattaya qui vous bousille comme le ya ba. Tous ont pour rêve de se faire aimer de ces femmes-pièges, les prostituées thaïlandaises. Ces « punters », comme on les appelle là-bas, n’hésitent pas à errer toutes les nuits entre l’Insomnia et le Marine bar, cher à Manset, dans une profusion de lumières électriques, d’images, de sons, d’odeurs, de couleurs, un univers sensoriel décapant pour trouver l’être qui justifierait leur présence ici. Dans ce livre, seul peut-être Marly y arrivera avec Porn, sa transsexuelle. Les autres, beaucoup, sont engloutis par leurs désirs secrets, ils meurent du sida, ou bien assassinés, à moins que ruinés ou dépressifs ils ne se défenestrent. Au milieu de références littéraires nombreuses ; Sebald, Kerouac, Selby, Huysmans, Houellebecq, Lowry, Philip K. Dick et d’autres, Orengo a construit son monstrueux premier roman qui stupéfie par sa démesure, son souffle, son ambition. Un roman qui fera date.




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Grasset
768 p., 24,00 €
couverture