par Michel Ménaché
Dans sa préface, en guise de mise à feu, Serge Pey dit de chacun des 93 textes de 9.3 blondes light qu’il est « une cigarette fulgurante » et, à propos de l’auteur, que « la politique le talonne et fonde parfois en lui le pied oral de son poème. » Si le poète multiplie les calembours, les pastiches, s’il mêle les langues, s’il les malmène, c’est pour leur faire cracher les feux de sa colère, les cris de sa révolte et les chants de sa désaliénation. Serge Pey le considère en frère, Jean-Pierre Verheggen le reconnaîtrait sans doute comme un fils, hors contrôle parental ! Au carrefour, de tous les désordres du monde, de tous les télescopages informatiques, de tous les matraquages médiatiques, les mots de Jean-Luc Despax se cabrent, s’indignent, persiflent, tout autant qu’ils en appellent aux rencontres amoureuses, à la célébration ludique et gourmande du corps féminin. L’héritage surréaliste : « poésie, amour et révolution » retrouve ici la verve et la ferveur des origines, avec le regard insolent et provocateur d’un poète d’aujourd’hui. Despax stigmatise les « hackers de l’horrible », les pervers narcissiques, pourfend le fascisme qu’il soit primaire ou numérique : « Plus on contrôle les faciès / Moins on verrouille le fascisme. » La satire recourt aux détournements et à la parodie des chefs d’œuvre homologués du trésor littéraire. Ainsi dans Du côté de chez Swatch, le poète s’amuse : « Honni soit qui mail y pense », ou, caustique, il casse l’image éluardienne de référence : « la terre est bleue comme une facture d’Orange » ! L’autodérision met à distance sa faconde d’histrion, enfumeur aux volutes désinvoltes : « À quoi sert la poésie ? – À faire le malin mon chéri […] À bons à rien. » On ressort de ce recueil ragaillardi. Si « les éternels mensonges ont farci les dindons », le lecteur aura reconnu les vertus farcesques des fusées d’un dandy poète au rire ravageur !