par Jean-Charles Depaule
Serge Pey a efficacement traduit de l’espagnol ce livre de Bartolomé Ferrando, en qui il voit, à juste titre, « un de nos artistes les plus importants de la rupture des frontières de l’art ».
N’ayant été jusqu’ici que spectateur, sur le vif ou devant des captations vidéo, témoin ravi de ses performances fines, éclatantes, drôles, inquiétantes, je ne soupçonnais guère chez Bartolomé Ferrando le poète de la langue, ignorant dans son œuvre cette poésie de l’écriture – les formules sont de Pey. Une poésie qui ressemblerait à un Ferrando plus privé ?
Elle est précise (il est vrai que ses performances le sont aussi, rigoureusement), ponctuelle. ça tourne comme sans insister : sons / de courte vie // qui sont / espace // qui effeuillent / les tons / de l’air /// et les laissent / tomber / sur son propre corps. C’est d’abord coloré, sonore, légèrement. De page en page, avec la pluie et le vent quelque chose de sombre progresse par fragments, quelque chose d’usé, de muet, de révolu, pourtant l’innocence // effeuille / sa tendresse // et recouvre / d’épis / tout / le territoire. Quelque chose d’exsangue, de rongé, une fatigue, et des éclats, des cris aussi. Une solitude magnétique ?