par Michel Ménaché
Pianiste, photographe, poète et critique littéraire, Matthieu Gosztola rassemble dans son dernier recueil de courts poèmes écrits après un deuil intime. Les figures de l’absence engendrent d’infinies variations, attisent la brûlure intime du vide : « Le visage / Est un départ sur place. » Le pouvoir de l’infime peut être immense quand l’émotion survit en multiples échos, par la seule présence d’une photographie ou d’une image enfouie. Le regard ne se contente pas de voir, il scrute au-delà : « Il suffit d’un tout petit visage / Pour faire sur l’eau des / Souvenirs / Les plus beaux ricochets. » La mémoire est inséparable de la mort. Si oublier c’est faire mourir en soi, se souvenir c’est invoquer ce qui n’est plus mais qui résiste : « Ton visage / A fait un enfant au silence. » Écrire alors, c’est la rage consciente ou non de féconder le déni du manque par le poème, jeter un pont entre la réalité rejetée et l’envol de l’imagination : « Gabrielle traverse / cette mort inventée. » L’auteur exprime avec une grande délicatesse d’images les sentiments fraternels du « tremblement de vivre. » Le temps retrouvé de l’enfance lui permet de retisser le lien rompu, de revivre la fusion ardente : « Tout ce qui nous relie / c’est l’évidence des sources. » Si Egon Schiele, le peintre des morsures du désir et de la douleur, a cultivé un lien fusionnel avec sa sœur Gerti, son double féminin, le poète quant à lui n’a pas franchi les limites de la pudeur. Il continue d’être en chemin : « peut-être est-ce impossible / de venir à bout d’un visage. »