par Alain Cressan
Étrange objet que ce bref livre, « maigre » à tous points de vue : énoncés courts, prosaïques1, sans fioritures, bruts, brutaux, qu’on ne sait par quel bout prendre. Pourtant, tout semble à sa place, agencé précisément, comme souvent dans les livres d’Hugo Pernet. ABCD : un abécédaire, un ordre pour ses quatre parties, un art poétique ? « J’essaie d’écrire des poèmes […] », « Je suis incapable d’écrire […] », « Il faudrait écrire [...] », « La vie n’existe que pour empêcher l’écriture. » Tout en contradiction, le texte avance par ruptures, entre attirance et répulsion, haine de la poésie et désir du texte : « J’en fais un assemblage précaire et c’est cet assemblage qui prévaut sur les unités. Je ne sais pas tellement ce que je fais. » Les poèmes qui suivent ne rompent pas, dans leur style, avec ce qui précède, brouillant encore les pistes de lecture, par échos, saturation. Livre, poésie, adolescents, Coca, frigo, énoncés prescriptifs dont l’avancée est incertaine : « Dans le frigo on trouve ce qu’on a acheté, rien d’autre. » On sort du livre un peu sidéré, avec l’envie d’y retourner et le sentiment d’un fiasco, mais savamment organisé. « La fierté d’être normal. En état de langage. »
1. « J’ai ouvert le frigo, j’en ai sorti un steak congelé. J’avais en main le livre que j’écris. »