Gil Jouanard : Au partage des mots

 
Par Michel Ménaché

Au partage des mots de Gil Jouanard réunit des textes de jeunesse écrits « dans l’amitié de René Char ». Et l’on y découvre une maturité, une capacité précoce à cristalliser l’idée dans la lumière du poète tutélaire. L’auteur exprime d’emblée la difficulté d’être et de dire, sur le mode de l’interrogation métaphorique : « Nous ne sommes que dépôts alluviaux / Mais qui a bu le fleuve ? » Il aspire à l’universalité en revendiquant sa propre singularité et l’unicité du Je : « Ma patrie est partout / Je suis sa capitale itinérante. » Son enracinement tellurique marque la primauté de l’origine comme source de l’éveil. Loin de toute démangeaison narcissique, son regard sur le monde est aussi politique. Mise en garde contre la corruption et la perversion des mœurs : « Craignons que la démocratie / ne soit le règne du marchandage. » Mais le poète se méfie des formules creuses des utopistes à courte vue : « Ce n’est pas le monde qu’il faut changer / c’est la nature de nos rapports avec lui. » S’il opte pour la sagesse, ce n’est pas pour se contenter de juger à distance. Un aphorisme teinté d’ironie dit la limite et l’inanité de la prudence paralysante : « L’homme mesuré est un homme borné. » Quant à sa spiritualité, elle s’écarte de tout dogmatisme car « le sacré est captif de la religion ».

La portée philosophique de cet opuscule garde toute son actualité. On aura plaisir à entrer par ces textes brefs dans l’œuvre de Gil Jouanard dont on retiendra cet adage comme invitation au poème : « L’unité, c’est l’enfance. »




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Éditions du Petit Flou
« Le coup de pied
à la lune »

20 p., 10,00 €
couverture